Pham Viêt Si

J’avance sur une plage, dans la mêlée inextricable des corps : pulsion immense qui gonfle leur chair
et la mienne. Je m’avance au devant d’eux :
ils étaient simplement là et maintenant je les regarde. Ils voudraient me sourire ou parler ou hurler parfois, quelque chose qui infléchirait la ligne muette de nos regards. Je ne peux répondre :

je suis dans le silence, le néant. Je les regarde
et ne les vois pas : je sais le masque fragile qui
me contient. Le déclic de l’obturateur libère
cette vague immense qui me submerge, et m’enfonce dans le corps ce que je regardais, irrémédiablement. Je sors du coma, je vois de nouveau les gens. La mémoire de ce que je viens de photographier n’est pas une vision objective mais l’impossible mosaïque d’un rêve : mon regard. Je puis repartir.

Marseille, 2 août 1981. Pham Viet Si